Préambule

Ces notes, comme l’ensemble de nos travaux, sont à visée académique, fruit d’un travail de recherche fondamentale indépendant des autorités compétentes en matière de santé. En matière de santé publique et pour toute question, nous recommandons de consulter et suivre les instructions officielles disponibles sur https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus.

Résumé

Les travaux internationaux estiment la proportion de létalité du SRAS-Cov-2, c’est-à-dire la proportion des patients infectés qui décèdent entre 0,5 et 1,5 % (tous âges confondus). Cet effet est très dépendant de l’âge. Il existe aussi des cofacteurs associés comme l’indice de masse corporelle ou les maladies cardio-vasculaires.

Proportion de létalité

Conceptuellement, on décrit le risque de décéder d’une infection par la proportion de létalité (\(\text{IFR}\), pour infection fatality ratio en anglais) est simple à calculer avec la formule

\[\begin{array} \text{IFR} & = \frac{\text{nombre de personnes décédées}}{\text{nombre de personnes infectées}} \end{array}\]

En pratique, cette proportion est compliquée à calculer, en particulier pour le COVID-19. En effet, beaucoup de cas ne sont pas détectés car ils sont peu ou pas symptomatiques.

Le plus souvent, on calcule donc une proportion de létalité sur les cas symptomatiques noté (\(\text{CFR}\), pour case fatality ratio en anglais).

\[\begin{array} \text{CFR} & = \frac{\text{nombre de personnes décédées}}{\text{nombre de personnes diagnostiquées}} \end{array}\]

En pratique, l’IFR est bien plus utile que le CFR mais aussi plus compliqué à calculer.

Dans le cas du COVID-19, l’IFR est très dépendant de l’âge de la personne. Ceci est vrai quel que soit la population ou le pays considéré.

En revanche, l’IFR et le CFR moyens sont spécifiques de la population étudiée. Ainsi, une école primaire et un EHPAD auront des IFR très différents de l’IFR moyen en France.

Diamond princess

Dans le cadre du COVID-19, les estimations les plus fiables à ce jour proviennent des études conduites sur le Diamond Princess, un navire sur lequel l’épidémie s’est déclarée. À son retour à Yokohama au Japon le 3 février, il a été maintenu en quarantaine et les 3.711 passagers et membres d’équipage ont été dépistés et suivis. Il était donc possible de calculer un IFR puisque tout le monde a été dépisté.

705 passagers ont été testés positifs dont 13 sont décédés. Au final, après analyses statistiques, on trouve un IFR moyen sur le Diamond Princess aux alentours de 2,5 %.

Notons que plusieurs études ont analysé ces chiffres et trouvent des résultats parfois différents. Ainsi, Russell et alii (2020, Eurosurveilliance) trouvaient un IFR moyen de 1,3 % (avec un intervalle de confiance entre 0,38 % et 3,6 %) alors que Verity et alii (2020, Lancet Infectious Diseases) trouvent eux le double (2,9 %). Une explication est que certains des passagers en réanimation sont décédés après les premières études. D’autres variations pourraient être liées à des méthodes différentes pour corriger les délais, les données manquantes et les biais liés à la population du navire.

Une des limites aux données obtenues sur le Diamond Princess est que les 13 des 705 passagers infectés qui sont décédés avaient tous plus de 60 ans. Autrement dit, il est impossible de cerner l’IFR chez les moins de 60 ans en utilisant uniquement ces données.

Passagers depuis Wuhan

Une autre manière d’estimer l’IFR est de se concentrer sur le transport aérien. En effet, en début de l’épidémie, les dépistages sur les vols en provenant de Wuhan étaient très exhaustifs indépendamment des symptômes. Intuitivement, en faisant l’hypothèse que la proportion de personnes infectées parmi les voyageurs en provenance de Chine est proportionnelle à la prévalence en Chine, vous avez là une estimation du nombre d’infections totales (et pas uniquement symptomatiques)

À partir des données de dépistage effectuées sur 6 vols de rapatriement depuis Wuhan, qui ont trouvé 6 infections pour 689 passagers, Verity et alii (2020, Lancet Infectious Diseases) ont ainsi pu estimer que la prévalence, c’est à dire le nombre total de personnes infectées dans la région de Chine à cette date était en moyenne de 0,87 % (avec 95 % des valeurs comprises entre 0,32 et 1,9 %).

En rapportant ensuite ce chiffres aux données de mortalité associées, en corrigeant pour la composition de la population, et en tenant compte des délais, ils ont pu estimer l’IFR moyen à Wuhan comme étant de l’ordre de 0,66 % (avec 95 % des valeurs entre 0,39 et 1,33 %).

Effet de l’âge

Un des enseignements de l’analyse des données du Diamond Princess et de Wuhan a été de détecter un fort effet de l’âge sur l’IFR. Sur les 13 morts du Diamond Princess, 1 avait la soixantaine et 11 avaient plus de 70 ans (l’âge d’un des décédés est manquant).

Ceci signifie donc que l’IFR doit être ajusté pour chaque pays (ou plus généralement pour chaque population) en fonction de la pyramide des âges. Cette correction est plus compliquée qu’une règle de trois car il faut aussi prendre en compte que les individus plus jeunes ont plus de contacts.

Les travaux de Verity et alii (2020, Lancet Infectious Diseases) ont permis d’avoir accès à l’IFR chez les moins de 60 ans car ils ont aussi analysé les rapatriements de passagers en avion depuis Wuhan. En combinant cette information avec le CFR en Chine continentale, ils ont obtenu les chiffres décrits dans le tableau ci-dessous.

tranche d’âge IFR moyen COVID-19 intervalle de confiance à 95 % IFR grippe H1N1
0–9 0,00161 % (0,000185 à 0,0249 %) manquant
10–19 0,00695 % (0,00149 à 0,0502 %) manquant
20–29 0,0309 % (0,0138 à 0,0923 %) manquant
30–39 0,0844 % (0,0408 à 0,185 %) 0,0108 % (entre 0,0036 et 0,026 %)
40–49 0,161 % (0,0764 à 0,323 %) 0,0125 % (entre 0,0034 et 0,0051 %)
50–59 0,595 % (0,344 à 1,28 %) 0,0279 % (entre 0,015 et 0,062 %)
60–69 1,93 % (1,11 à 3,89 %) 0,164 % (entre 0,018 et 0,74 %)
70–79 4,28 % (2,45 à 8,44 %) non calculé
≥ 80 7,80 % (3,80 à 13,3 %) non calculé

À titre de comparaison, la dernière colonne montre une estimation de l’IFR mesuré en 2009 à Hong-Kong au début de la pandémie de grippe H1N1 par Wong et al (2013, Am J Epidemiol). On voit que pour toutes les classes d’âges la proportion de létalité est environ 10 fois plus élevée pour le COVID-19 que pour la grippe pandémique H1N1.

IFR en France

Pour le moment, il n’existe pas d’étude permettant de calculer directement un IFR en France.

Toutefois, les IFR pour une tranche d’âge donnée devraient être identiques à ceux estimés par Verity et alii (2020, Lancet Infectious Diseases) en Chine continentale ou par Russell et alii (2020, Eurosurveilliance) sur le Diamond Princess.

Concernant l’IFR moyen de la population française, dans leur travail de modélisation, Salje et alii (2020, HAL) estiment l’IFR pour la France à partir des données du Diamond Princess. Après ajustement pour les distributions d’âges différentes et correction pour les nombres de contacts, ils trouvent un IFR moyen de 0,53 % (avec 95 % des valeurs entre 0,28 et 0,88 %).

Sources et remerciements

  • Le groupe de modélisation de l’équipe ETE (Laboratoire MIVEGEC, CNRS, IRD, Université de Montpellier) est composée de Samuel Alizon, Thomas Bénéteau, Marc Choisy, Gonché Danesh, Ramsès Djidjou-Demasse, Baptiste Elie, Yannis Michalakis, Bastien Reyné, Quentin Richard, Christian Selinger, Mircea T. Sofonea.

  • Ce travail n’a reçu aucun financement spécifique à ce jour.

  • Contribution à ce travail :

    • conception du travail : ensemble de l’équipe

    • rédaction : SA, MTS, YM

    • validation : ensemble de l’équipe

  • contacts :

  • site : covid-ete.ouvaton.org

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