Ces notes, comme l’ensemble de nos travaux, sont à visée académique, fruit d’un travail de recherche fondamentale indépendant des autorités compétentes en matière de santé. En matière de santé publique et pour toute question, nous recommandons de consulter et suivre les instructions officielles disponibles sur https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus.
Ce rapport est une version française simplifiée d’un travail détaillé rédigé en anglais.
Depuis son début, la gestion de la pandémie de COVID-19 a dû composer avec de multiples inconnues et s’est en partie reposée sur l’utilisation de modèles mathématiques pour déterminer la nécessité de recourir à des interventions non pharmaceutiques (confinement, couvre-feu, port du masque, aération…). En complément de ces interventions non pharmaceutiques (INP), la découverte rapide de vaccins efficaces a pu laisser penser que « la vie d’avant » serait rapidement de retour.
Cependant, le temps passant, la diminution de la protection conférée par l’immunité — vaccinale comme naturelle — s’est avérée problématique. À cela s’est ajoutée l’apparition de nouveaux variants préoccupants, qui a soulevé de nouvelles questions concernant la gestion de l’épidémie. Ceci est particulièrement vrai pour les sous-lignées d’Omicron qui montrent des propriétés d’échappement immunitaire importantes.
La perte d’immunité au cours du temps est difficile à capturer avec des modèles à compartiments classiques car ils nécessitent une augmentation très importante du nombre de compartiments, rendant la paramétrisation du modèle difficile. Dans un travail précédent publié par la revue MMNP, nous avons développé une approche non-Markovienne, qui prend naturellement en compte le temps passé dans chaque compartiment. En utilisant les données de la protection vaccinale au cours du temps récoltées et analysées au Royaume-Uni, nous explorons les dynamiques épidémiques à long terme de manière qualitative.
Dans nos scénarios, nous prenons en compte la perte d’immunité et les traits phénotypiques associé au variant Omicron et nous comparons quatre stratégies de vaccination.Attention, ce rapport se base sur les données collectées jusqu’au variant Omicron/BA.2. L’émergence en cours des lignées BA.4 et BA.5 (voire BA.2.12), décrites par notre équipe en collaboration avec les laboratoires de virologie de CERBA et du CHU de Montpellier depuis le 13 mai 2022. Ces nouveaux variants pourraient modifier la circulation virale à l’été et donc grandement affecter les scénarios modélisés.
Nous utilisons un modèle à compartiments (Figure ci-contre) dans lequels les individus sensibles d’âge a (ici dénoté \(S_a\)) deviennent, au cours du temps, soit vaccinés (\(V_a\)) soit infectés de façon légère (\(I^m_a\)) ou sévère (\(I^s_a\)). Les individus développant une forme légère guérissent et sont transférés dans le compartiment \(R_a\). Les individus ayant guéris ou étant vaccinés peuvent être (ré)infectés, mais à un taux réduit comparé aux personnes sensibles. Si cette (ré)infection est une forme légère, les individus entrent dans un compartiment séparé (\(I^{mv}_a\)) qui tient compte de la baisse de la contagiosité induite par l’immunité pré-existante. Les individus vaccinés ou ayant guéris peuvent être (re)vaccinés et intégrer le compartiment « booster » (\(B_a\)), qui leur confère une immunité accrue.
Enfin, les personnes sévèrement infectés (\(I^s_a\)) et celles infectées malgré une immunité existantes (\(I^{mv}_a\)) finissent aussi dans le compartiment booster à leur guérison. Pour résumer, les individus du compartiment booster ont soit reçu trois doses de vaccin, soit été infectés deux fois, soit infecté une fois et vacciné ou bien ont guéri d’une forme sévère.
Contrairement aux modèles parus plus tôt, nous avons pu utiliser les données de perte d’immunité de l’agence de santé britannique, UKHSA. Plus précisément, nous avons utilisés les séries temporelles de protection vaccinale (pour les 2 doses initiales comme pour les boosters) contre l’infection et l’hospitalisation. Ces estimations ont été compilées à la fois pour le variant Delta et le variant Omicron. Nous avons ajusté les données avec une décroissance linéaire (inférieurement bornée à 0), illustrée sur la figure ci-dessous.
Nous faisons l’hypothèse que toutes les personnes vaccinées avec deux doses reçoivent une dose de booster 6 mois après leur deuxième dose (ce qui correspond peu ou prou à la politique française de vaccination jusqu’à fin 2021). Puis, nous explorons quatre scénarios différents :
Pour les scénarios A et C, nous explorons aussi les conséquences d’une baisse des taux de contacts de 20% (Scénarios A’ et C’).
Ceci permet à la fois de tester la sensibilité du modèle aux valeurs de ce paramètre, et aussi de voir ce que permettrait le recours aux interventions non pharmaceutiques sur les dynamiques de l’épidémie à long terme.
Les résultats sont visibles sur les figures ci-dessous.
Le premier onglet montre les dynamiques médianes pour chacun des scénarios.
Le deuxième onglet montre la comparaison du nombre d’hospitalisation annuelles en fonction des différents scénarios.
Les points bleus correspondent au nombre de nouvelles hospitalisations observées.
Ces scénarios sont tous des simplifications de la réalité mais leur analyse qualitative et leur comparaison mutuelle permet d’en tirer quelques enseignements :
On observe une oscillation du nombre d’hospitalisations pour COVID-19. Dans les cas sans vaccination, celle-ci est liée à notre hypothèse de variation saisonnière des taux de contacts. Mais on voit que l’implémentation de campagnes vaccinales peut conduire à avoir plus d’un pic épidémique par an.
La hauteur de pics épidémiques est variable et dépend aussi du nombre de pic épidémiques par an.
Dans beaucoup de scénarios le nombre de personnes hospitalisées demeure assez élevé.
Le trait bleu correspond au nombre d’hospitalisations observé en 2021.
Si on analyse le nombre total d’hospitalisations COVID par an on peut aussi tirer certains enseignements :
Dans beaucoup de scénarios, il y aurait plus d’hospitalisations COVID en 2022 qu’en 2021 (mais cela est à prendre avec précautions car les futures variations du taux de contact sont inconnues).
Plus il y a de doses vaccinales distribuées, moins il y a d’hospitalisations.
Vacciner annuellement uniquement les personnes de plus de 60 ans ne suffit pas à diviser par deux le nombre d’hospitalisations COVID.
La réduction des contacts infectieux de 20 % conduit sur le long terme à des résultats comparables à des campagnes de vaccination annuelle pour l’ensemble de la population.
La combinaison d’un rappel vaccinal et d’une diminution du taux de contact donne les meilleurs résultats.
En résumé, ne rien faire conduit au plus grand nombre d’hospitalisations annuelles. Les campagnes de vaccination améliorent la situation. Logiquement, plus on vaccine de personnes, plus le nombre d’hospitalisation diminue.
À noter que la réduction du taux de contact (qui peut se faire via les INP), couplée à une campagne de vaccination annuelle (Scénario C’) semble conduire aux meilleurs résultats.